20ème anniversaire d’une manifestation de 200 000 personnes contre la guerre en Irak
Montréal
20ème anniversaire d’une manifestation de 200 000 personnes contre la guerre en Irak
Témoignage de Louise Royer
À l’occasion du 20ème anniversaire de la manifestation du 15 mars 2003 contre la guerre en Irak, la contribution de notre Église diocésaine à cette mobilisation mérite d’être rappelée.
Le contexte était celui des représailles des États-Unis contre un soi-disant axe du Mal, à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Dès septembre 2001, le Cardinal Jean-Claude Turcotte, alors Archevêque de Montréal, intervenait publiquement pour dénoncer la tendance des deux camps à utiliser la religion pour justifier le recours à la violence. Le directeur de l’Office de la pastorale sociale, Brian McDonough invitait les curés des paroisses de Montréal à faire signer une pétition au Premier ministre du Canada, créée par un groupe de Laval, pour « proposer au gouvernement américain et appuyer l’utilisation de moyens diplomatiques et juridiques, comme les institutions des Nations Unies pour poursuivre les coupables » « plutôt que de se lancer dans des frappes militaires coûteuses et inefficaces ».
Le collectif Échec à la guerre, avec l’Entraide missionnaire et Développement et paix - était engagée dans l’opposition aux sanctions contre l’Irak, qui faisaient trop de victimes dans la population civile. Une marche début août 2022 a rassemblé quelques dizaines de personnes. Le collectif a continué d’organiser les rassemblements avec grande compétence, doigté, sens de la beauté et de l’humour. Suzanne Loiselle, une religieuse auxiliatrice qui a dirigé l’Entraide missionnaire, en fait toujours partie, ainsi que d’autres personnes notamment du Centre justice et foi.
En septembre 2002, le Conseil canadien des Églises – appuyé par le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada - écrivait au Premier Ministre Jean Chrétien pour dire « Non à la guerre contre l’Iraq ». Le 21 octobre, cette lettre, assortie de celle de la Conférence des évêques des États-Unis, était relayée aux paroisses du diocèse de Montréal par l’Office de la pastorale sociale afin de convier le peuple de Dieu à la manifestation du 17 novembre 2002.
En janvier 2003, le pape Jean-Paul II, au cours de la rencontre annuelle avec le corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège a lancé un vigoureux « Non à la guerre! » en Irak et en Terre Sainte. Une manifestation a eu lieu en janvier à Montréal.
Dans le quartier Côte-des-Neiges, j’étais alors la nouvelle agente de pastorale sociale. L’opposition à la guerre en Irak s’exprimait par le port du ruban blanc. Avant de me les procurer au conseil central de Montréal de la CSN (confédération des syndicats nationaux), j’en ai fabriqué avec des bénévoles à Multi-Caf, la banque alimentaire. J’ai proposé le ruban blanc aux membres du conseil d’arrondissement, aux organismes du conseil communautaire de Côte-des-Neiges et aux paroissiens, en plus d’afficher les annonces des manifestations dans les lieux publics. Beaucoup des personnes candidates à l’élection provinciale du 14 avril 2003 portaient le ruban blanc, notamment tous les chefs de partis. Sept catholiques du quartier, dont le curé de St.Kevin’s d’alors, l’abbé Francis McKee, avons visité le bureau du député fédéral de la circonscription, Irwin Cotler. L’attachée politique a pu faire le lien avec Pacem in Terris, de Jean XXIII, dont elle avait eu connaissance en 1963 à New York, d’où elle était originaire. Dans d’autres quartiers, notamment dans Ahuntsic avec François Godbout, la mobilisation allait bon train.
Pour les manifestations, le service d’ordre se tenait dans une salle de la basilique Marie-Reine du Monde. Paul Rose – oui, feu l’ex-felquiste – était le responsable de ce service. Les grands syndicats étaient tous mobilisés. Des musulmans et des musulmanes aussi, qui souhaitaient prier avant la manifestation. Nous leur avons assigné des espaces. Les agents de pastorale sociale de quartier étions affectés à la collecte de dons, et participions à la messe de midi dix avant de prendre la route. À la manifestation de février, la tête de la marche a atteint le complexe Guy-Favreau avant que la queue de la marche ne quitte la place du Canada. Il faisait un temps glacial, les gens restaient à l’intérieur des commerces et sortaient dans la rue Ste-Catherine à mesure que la marche avançait. Le peuple était mobilisé!
Le 20 février 2003, le Cardinal Turcotte invitait la population à une soirée de prière à l’Oratoire St-Joseph. L’affiche a été largement diffusée, et imprimée dans le Journal de Montréal.
La campagne a culminé avec la manifestation monstre du 15 mars, qu’on a rappelée dans les médias. Deux contingents, l’un de la rue Papineau, l’autre de la rue Peel, ont pris la largeur de René-Lévesque pour se rencontrer au complexe Guy-Favreau. Poussettes et pancartes se côtoyaient. Le Premier ministre Jean Chrétien a décidé de ne pas entrer dans cette guerre. Malheureusement, elle a quand même eu lieu et les sinistres prédictions se sont réalisées. La guerre en Afghanistan a-t-elle donné de meilleurs résultats? Au vu de ces catastrophes, le pape François remet en question la théorie de la guerre juste. Dans Fratelli tutti (2020), il écrit (no 258) : « il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible « guerre juste ». Jamais plus la guerre! »
Après les discours, un enfant chantait « What a wonderful world »; oui, un peuple uni et mobilisé pour la paix, n’est-ce pas merveilleux?
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