Montréal

J’ai commencé à visiter les itinérants du centre-ville de Montréal durant mon stage d’acolytat en 2013 à la suggestion de notre répondant au diaconat permanent, monsieur Richard Saint-Louis.

Par François Gilbert, d.p.

Un nouveau ministère, nommé Notre-Dame de la Rue, venait alors d’être institué par notre archevêque, Monseigneur Christian Lépine, qui a désigné l’abbé Claude Paradis comme pasteur de ce ministère. J’ai donc contacté l’abbé Claude qui m’a pris sous son aile pour me guider dans l’exercice de ce ministère. 

Je n’avais aucune expérience auprès des itinérants. En effet, je suis issu d’une famille aisée qui m’a toujours procuré tout ce qu’il me fallait pour combler tous mes besoins. J’ai pu suivre un cours universitaire qui m’a permis de devenir un médecin. Je n’ai jamais connu la misère autre que de voir souffrir et mourir des patients dont j’avais la charge. J’ai moi-même joui d’une bonne santé tout au long de ma vie. Donc, côtoyer des itinérants ouvrait un nouveau monde pour moi.  

Au fil des années, avec l’abbé Claude comme modèle et avec la grâce de Dieu, j’ai pu développer des attitudes appropriées dans mes relations avec les itinérants. Quelles sont ces attitudes ? 

Premièrement, je ne peux pas régler le problème de l’itinérance ou même la situation d’un itinérant particulier par moi-même. L’itinérance a toujours existé et même Jésus n’a pas réglé ce problème de société quand il était sur terre. La rencontre avec un itinérant a pour but de lui faire sentir la présence de Jésus dans sa vie, ce Jésus qui donne espoir d’une vie meilleure, ce Jésus qui transforme de l’intérieur toute personne qu’il rencontre et donne un sens à toute vie. Cette rencontre, c’est aussi faire réaliser que l’itinérant est une personne humaine comme les autres, c’est lui redonner sa dignité en l’appelant par son nom comme Dieu nous appelle tous à être fils et fille de Dieu. 

Deuxièmement, je ne vais pas rencontrer les itinérants pour me glorifier. Beaucoup de mes paroissiens me dissent que c’est beau ce que je fais dans la rue. Si je m’arrêtais seulement à ce compliment gratifiant, je ne ferais pas la volonté de Dieu. Les bonnes actions seules ne suffisent pas pour accomplir notre mission chrétienne. Dieu ne nous demande pas d’être productif en multipliant nos bonnes actions et penser que nous allons gagner notre ciel de cette façon, ou d’agir par obligation morale ou avec un sentiment de culpabilité. Nos bonnes actions ne valent rien si elles ne sont pas faites sincèrement avec le cœur par amour et avec miséricorde. Jésus est présent dans chaque itinérant, peu importe son apparence qui est souvent repoussante. Lorsque j’apporte un réconfort à un itinérant, c’est Jésus que je réconforte ; ce n’est pas pour ma propre gloire. Si je néglige un itinérant, je néglige Jésus. 

Troisièmement, une rencontre avec un itinérant, c’est écouter ce qu’il a à dire et non pas lui dire ce qu’il doit faire pour améliorer sa vie ni lui exposer notre recette de bonheur personnel. Chaque vie est une histoire sacrée qui vaut la peine d’être racontée et écoutée. Même si l’histoire racontée ne semble pas faire de sens, la personne qui la raconte éprouve un soulagement de l’avoir livrée à une autre personne qui l’écoute sans jugement. Dernièrement, un itinérant qui allait recevoir l’aide médicale à mourir en raison d’un cancer incurable m’a demandé d’être présent à son chevet au moment où cela allait se produire, car il serait seul lors de ce moment crucial. 

Ce n’était pas le temps de lui faire la morale parce que je suis contre l’aide médicale à mourir. Il était un être humain souffrant qui avait besoin de quelqu’un. Pour l’accompagner dans ce passage difficile de sa vie. Finalement, sans que j’aie eu à lui donner mon opinion sur cette procédure médicale, il a décidé de lui-même de refuser la procédure. J’ose croire que le fait de l’avoir accompagné à travers sa décision lui a donné courage pour continuer à faire un autre petit bout de chemin dans sa vie. 

Tout cela pour dire qu’il y a quelque chose de saint qui se véhicule dans une rencontre avec un itinérant. Jésus est présent dans l’itinérant et est aussi présent dans l’accompagnateur. Dieu fait des merveilles quand on s’abandonne à Sa volonté. 

 

Extrait du bulletin diocésain Le Serviteur de la communauté diaconale, édition d'octobre-novembre 2024.