Lettre d'opinion de Mgr Christian Lépine, Archevêque de Montréal: Prière en publique – « Et si l’on interdisait… de penser? »

Montréal
Le 29 août 2025
La prière, dans sa forme la plus simple, est un élan intérieur. C’est une pensée tournée vers Dieu qui est bonté, une présence au monde, une manière de chercher la paix. Or, certaines propositions récentes visant à interdire les prières en public soulèvent de sérieuses inquiétudes quant au respect des libertés fondamentales dans une société démocratique.
Une liberté reconnue
La liberté de manifester sa foi, seul ou en communauté, en privé comme en public, est reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948, art. 18), par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (1976, art. 3) et par la Charte canadienne des droits et libertés (1982, art. 2a). Ces textes affirment que la liberté religieuse n’est pas confinée aux lieux de culte : elle fait partie intégrante du vivre-ensemble. Restreindre la prière à la sphère privée reviendrait à réduire l’espace de liberté de toute la société.
Un projet impraticable et discriminatoire
Comment distinguer une prière d’un moment de silence ou de recueillement ? Comment légiférer sur une intention, un murmure, une pensée intérieure ? Et surtout, qui déciderait de ce qui est prière et de ce qui ne l’est pas ? Une telle interdiction ne pourrait s’appliquer qu’au prix de l’arbitraire et nourrir la méfiance et les préjugés.
De plus, cela mettrait en péril des traditions profondément enracinées au Québec : la Marche du Pardon, la Fête-Dieu, le Chemin de Croix, la Marche des Rameaux ou encore la Marche de la Paix. Ces événements, qui se déroulent dans l’ordre et la dignité, sont autant de lieux de rencontre et de dialogue. Interdire la prière en public reviendrait à compromettre leur existence même.
Faut-il rappeler que la visite du pape François en 2022 – événement de portée mondiale – n’aurait pas été possible dans un contexte d’interdiction de la prière en public ? Et pourtant, cette visite s’est déroulée dans le respect et la paix.
C’est l’État qui est laïque et non la société
La laïcité de l’État garantit que les institutions demeurent neutres devant la diversité des croyances, au service et au bénéfice de tous les membres de la société. Mais elle n’exige pas l’effacement public de la foi dans la société, bien au contraire. Confondre neutralité de l’État et neutralisation de la société conduirait à une grave régression.
Dans une société démocratique comme la nôtre, la diversité des convictions ne se craint pas : elle s’accueille et contribue à faire la richesse du Québec, forte de la culture du dialogue et de la rencontre.
La prière est un souffle de paix
Qu’elle soit privée ou publique, la prière offre un espace de réconfort, apaise les tensions, rappelle à chacun la dignité de l’autre et inspire la justice et la paix.
« Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » (Mt 18, 20)
Dans un monde traversé par les crises économiques, sociales et environnementales, avons-nous intérêt à décourager des gestes qui nourrissent l’espérance et la solidarité ? Au fond, vouloir interdire la prière en public, n’est-ce pas un peu comme vouloir interdire de penser ?
✠ Christian Lépine
Archevêque de Montréal
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