Montréal

En ces temps de chamboulements, alors que la COVID-19 a transformé et exacerbé les défis des personnes les plus vulnérables de la société, l’Église continue de se faire présente et de tenter de répondre aux besoins de son temps. Pour découvrir différentes initiatives mises en place dans le diocèse de Montréal, nous avons récolté les témoignages de personnes sur le terrain en ce temps de crise qui se donnent avec générosité et créativité.

Diego Saavedra Renaud est agent de pastorale depuis quelques années à Côtes-des-Neiges, pour les paroisses Notre-Dames des Neiges, Saint-Kevin, Saint-Joespeh du Mont-Royal et Saint-Antonin. L’homme de 33 ans a comme beaucoup de ses compatriotes été mis au chômage temporaire, mais il n’en est pas resté là: «Je suis jeune, je suis relativement en santé, si moi j’ai les moyens de servir de cette façon-là, je vais pas rester chez moi à jouer à des jeux vidéos pis à regarder des séries sur Netflix alors que dehors mes concitoyens crèvent de faim ».  En effet, dans ces temps où les organismes communautaires sont plus que sollicités, son rôle d’agent de pastorale sociale lui parle plus que jamais : «Je l’ai fait parce que j’avais envie de le faire, parce que pour moi c’était comme dans la continuité de mon mandat».

«Les gens avaient faim»

Concrètement, il explique qu’après concertation le conseil de développement social de Côte-des-Neiges dans lequel il siège a cerné que la priorité du moment était la sécurité alimentaire : «Les gens avaient faim», lance-t-il. En effet, il raconte que la population du quartier est « assez fragile et qu’il y a une grosse population de migrants, soit nouveaux arrivés ou réfugiés, dont l’un des conjoints ou les deux ont perdu leur emploi ». Un organisme s’occupant de santé alimentaire, MultiCaf, a décidé de distribuer des paniers alimentaires et tous les autres organismes ne pouvant plus ouvrir leurs services de banque alimentaire aux gens, à la suite des annonces du gouvernement, s’y sont associés: « Si les gens peuvent plus venir chez nous, ben allons chez les gens», dit-il.

Diego s’occupe donc de livrer les paniers de nourritures: «Au début on distribuait de 300-700 paniers par semaine. Maintenant, c’est 2500 paniers par semaine ». Il livre donc entre 50 à 70 paniers chaque jour. Le reste du temps, il tente de s’organiser avec les autres agents de pastorales des paroisses qui ont des paroissiens et paroissiennes dans le besoin et qui ne savent pas trop vers qui se tourner. Il s’assure qu’on rajoute leurs noms sur les listes de livraison. 

Ordinateurs pour tous

Diego s’implique aussi dans une autre initiative qui tente d’amasser de l’argent pour acheter des ordinateurs, car dans le quartier environ «162 familles» en difficulté n’ont ni ordinateur à la maison ni internet. Cela permettrait aux enfants de continuer d’«aller à l’école» et à certains parents de travailler à domicile.

L’Église dans la rue

Toutes ces actions se font en collaboration avec le milieu communautaire qui comporte toute une structure, explique Diego. Dans son cas, ce qui le motive est de «suivre l’exemple du Christ» en se mettant au service de la population: «On sait pas à qui on va livrer. On a une liste d’adresse, on charge le camion, on part à 9h. Mais une porte sur deux les gens nous disent : «Que Dieu vous bénisse, que Dieu vous garde, on va prier pour vous» […] On sent la présence de Dieu dans les actions qu’on fait parce que les gens nous le disent qu’ils sont contents»

«Pour moi c’est vraiment ça le sens de l’action pastorale en ce moment. Être au service et à l’écoute. […]Je dirais que [ce moment] est un bel exemple pour tous les catholiques [pour] se rappeler les fondements mêmes de notre mission qui a toujours été de prendre soin des autres. On a toujours été au service de l’autre», exprime Diego. Il sait toutefois que certains agents de pastorale ou autres n’ont pas la possibilité comme lui de s’impliquer bénévolement, mais il souligne toutefois l’importance de tous les gestes. Pour lui même un «vieux prêtre de quartier» qui s’engage à prier pour eux est important : «On n’a jamais eu autant besoin les uns des autres», conclut-il.

Et après tout ça?

«Je pense qu’honnêtement en tant qu’Église à la fin du confinement on va pouvoir être fier. Je suis fier de mon Église, je suis fier de mes collègues, pis je suis fier d’appartenir à ça », lance avec entrain Diego. À ces yeux, il ne s’agit pas de se pavaner au monde, mais plutôt de dire à toute la communauté chrétienne lorsqu’on retournera à l’église : «Hey! Regardez! Pendant la COVID on a mis en application très concrètement le message de Jésus. Maintenant que c’est fini, ben c’est de continuer en fait, parce que pour moi le monde qui va naître après le confinement va être différent», exprime-t-il. Il ajoute que cette crise aura mis en lumière « les limites de l’État», parce que si l’État en fait beaucoup, il ajoute que pour lui ce sont «les associations communautaires, les églises, les bénévoles qui font tourner la machine en ce moment».