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Des hommes, des femmes et des enfants sont encore victimes du travail forcé, de la prostitution, du trafic d'organes. Ces crimes n'ont pas cessé avec la pandémie et doivent être combattus à tous les niveaux de la société. Le cardinal canadien, sous-secrétaire du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, alerte sur l'urgence de remettre en question les comportements sociaux qui alimentent la "demande" d'exploitation.

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«La traite des personnes continue à être une blessure dans le corps de l'humanité contemporaine. Je remercie de tout cœur ceux qui œuvrent en faveur des victimes innocentes de cette marchandisation de la personne humaine. Il reste encore beaucoup à faire! #EndHumanTrafficking», exhorte le Pape François dans un tweet publié ce matin. On estime qu'environ 40 millions de personnes sont victimes de la traite des êtres humains dans le monde. Selon le rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur la traite des êtres humains, près d'un tiers des victimes sont des mineurs. En outre, 71 % sont des femmes et des filles.

L'Organisation internationale du travail (OIT) rapporte que 21 millions de personnes sont victimes du travail forcé, souvent aussi lié à l'exploitation sexuelle. À ce fléau s’ajoute le phénomène dramatique du trafic d'organes, qui échappe aux estimations, mais reste un fait indéniable, frappant notamment les migrants, parfois acculés à vendre une partie de leur corps pour espérer survivre économiquement, quitte à mettre leur santé en danger.

Le soutien aux victimes de la traite est une mission fondamentale pour l’Église

Interrogé par Vatican News, le cardinal Michael Czerny, sous-secrétaire de la section "Migrants et réfugiés" au sein du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, explique que la première réponse est le soutien au réseau Talitha Kum. «Nous faisons ce que nous pouvons parce que dans tant de pays du monde les sœurs répondent vraiment au nom de l'Église et au nom du Christ. Il est très important de reconnaître ce travail, car ils ne parlent pas, mais agissent», reconnaît-il.

Elles ont continué à œuvrer pendant la pandémie, durant laquelle «il y a eu une terrible augmentation de la traite, et cela doit nous choquer», s’attriste le cardinal. «Cela indique que les racines du problème se trouvent dans les foyers, dans le cœur des gens, des citoyens, des frères et des sœurs qui nous entourent. Ce lien entre la traite et la vie apparemment normale de personnes apparemment normales est un grand scandale qui doit nous faire réfléchir, demander pardon à Dieu, chercher la conversion nécessaire pour réduire et éliminer la demande qui est le moteur de la traite», martèle-t-il.

Alors que la traite est traditionnellement associée à des mouvements, notamment migratoires, «c’est un terrible paradoxe que quand il était impossible de bouger, la traite a augmenté… Cela montre la grande flexibilité des responsables de la traite, qui ont augmenté leur business», souligne le jésuite canadien, qui relève aussi la responsabilité de chacun dans le développement de ces phénomènes, dont la perpétuation ne dépend pas seulement des grands décideurs politiques ou économiques. «Il faut arrêter d’avoir les yeux fermés et les oreilles fermées, et chacun doit se demander: "Comment mes choix contribuent à développer cette entreprise, la plus riche du monde?"», explique-t-il.

Les différents visages de la traite

Le phénomène de la traite est multiforme. L’une de ses parties les plus visibles et connues est «la prostitution, qui comprend maintenant, notamment, toute l'exploitation en ligne et le travail forcé ; elle comprend aussi le trafic d'organes, un crime pour lequel il n'y a pas de mots, et d'autres aspects, comme l'utilisation de personnes pour transporter de la drogue ... Tout cela constitue des engagements ou des "entreprises" de trafic», explique-t-il.

L’existence depuis 2013 d’une Journée internationale contre la traite des êtres humains, et l’engagement des Nations unies à lutter contre ce crime, qui a été formalisé en 2015, constituent de bons points de départ pour sensibiliser les opinions publiques, mais la prise de conscience doit se faire dans le cœur de chacun.

Il y a un discernement à vivre dans le quotidien et ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement le comportement des autres ou des méchants, mais les choix de chacun. «Moi, quels choix dois-je faire, comme lorsque j'achète un téléphone portable ? Quand je fais un voyage ? Quand est-ce que je m'accorde du plaisir ? » Chacun est invité à s’interroger sur les phénomènes que chacun met en mouvement dans ses actions de consommateur, parfois sans en avoir conscience. «Nous devons réfléchir à certains "besoins", lorsque nous entendons "J'ai besoin de ce plaisir, de ce produit, de ce prix bas" ... Je pense que ces compulsions sont plus au cœur du problème de la traite que la prolifération des droits ou des soi-disant droits», explique-t-il.

Désormais émergent «de nombreux nouveaux ministères de l'Église pour faire face à ce fléau, sur plusieurs axes : la prévention, la rédemption, la réhabilitation, l'intégration des personnes», explique le cardinal Czerny.

L'expérience de Talitha Khum en temps de pandémie

La grande réponse de l'Église au fléau de la traite des êtres humains appartient donc à l'expérience de Talitha Kum, un réseau mondial de vie consacrée engagé contre la traite des personnes. Sœur Gabriella Bottani, coordinatrice internationale de l'organisation, souligne que les conditions de vulnérabilité augmentent et touchent davantage de personnes, notamment en raison des situations d'extrême pauvreté qui, à leur tour, facilitent l'activité des trafiquants.

Parmi les principaux groupes touchés, on trouve les femmes, les enfants, les minorités ethniques, les citoyens étrangers, en particulier les sans-papiers, et les peuples indigènes. Outre la propagation du virus, le principal facteur contribuant à une vulnérabilité accrue est la perte d'emploi. Le marché du travail est un domaine clé pour les recruteurs qui veulent entraîner les gens dans le réseau de l'exploitation.

Selon les données de Thalita Khum, la violence domestique contre les femmes et les enfants est en augmentation. Bien qu'elle ne fasse pas partie de la traite en tant que telle, elle peut en être la cause indirecte, car la violence domestique peut contraindre les gens à accepter n'importe quelle voie de sortie. En outre, certaines des mesures sociales et sanitaires mises en œuvre dans le monde entier pour contenir la Covid-19 ont eu un impact sur les migrants, en particulier ceux qui sont sans papiers et sans permis de séjour. Parmi eux, on compte de nombreuses victimes de la traite. La pandémie a également affecté le travail de Thalitha Kum : les missionnaires et les volontaires se sont tournés vers les réseaux sociaux pour poursuivre la mission en maintenant un contact humain avec les victimes de la traite de manière virtuelle, et une formation spécifique a été nécessaire.

L'appel de Caritas : des mesures urgentes et ciblées

Le Secrétaire général de Caritas Internationalis, Aloysius John, a expliqué dans un communiqué qu'en cette période de propagation de la Covid-19, les personnes vulnérables courent un risque accru de devenir victimes de la traite. La Confédération des 162 Caritas nationales et le réseau chrétien de lutte contre la traite des êtres humains soulignent que la Covid-19 a attiré l'attention des gouvernements dans le secteur de la santé, tout en empêchant qu'une attention suffisante soit accordée aux dommages collatéraux de la pandémie mondiale, en particulier aux migrants et aux travailleurs informels, qui sont maintenant plus exposés à la traite et à l'exploitation.

Caritas Internationalis et Coatnet appellent donc à des mesures urgentes et ciblées pour soutenir ceux qui travaillent dans les secteurs informels, y compris les travailleurs domestiques, agricoles et du bâtiment, parmi lesquels se trouvent les travailleurs les plus vulnérables, comme les migrants sans papiers.