Montréal

« Il ne s’agit pas de suivre une pensée, mais plutôt un événement dans lequel entrer; c'est une forme de mémoire et comme chaque forme de mémoire, il prend toute son importance du sérieux avec lequel le cœur se fixe sur le contenu de la mémoire même, comme une méditation rendue plus vivante par les mots et la musique qu’on entend. »

Le père Luigi Giussani, désormais reconnu par l'Église comme Serviteur de Dieu, commençait chaque année le Chemin de Croix avec ces mots, qu’il adressait à quelques milliers d'étudiants universitaires de Milan appartenant au mouvement qu’il avait créé, Communion et Libération. Les membres du mouvement à Montréal ont introduit la même forme de « liturgie », qui est un peu différente du chemin de croix classique avec les quatorze stations traditionnelles. 

En effet, le chemin de croix du père Giussani comporte habituellement six stations qui s'inspirent de divers moments de la Passion du Christ et se concentrent sur Marie. Les participants sont témoins de la Passion en suivant Marie et voient le Christ souffrir à travers ses yeux à elle. En cela, ils sont aidés par des passages émouvants du Mystère de la Passion de Jeanne d'Arc de Charles Péguy, et par plusieurs œuvres musicales de toutes les traditions, allant des chants grégoriens aux chants gospels, en passant par les œuvres polyphoniques de la Renaissance et les chants choraux russes. La musique ne se veut pas une performance, mais elle sert plutôt à proposer un beau geste qui aidera les participants à comprendre que ce qui s’est passé il y a deux mille ans peut devenir une expérience présente. C'est pour cette raison que la forme de ce Chemin de Croix est sombre, discrète, précise, objective et que le silence y occupe une place centrale.

Communion et Libération organise un Chemin de Croix à Montréal depuis trente ans. La toute première fois, nous étions seulement trois adultes et deux enfants à nous réunir dans un parc, lors d’une journée très froide, si froide que la procession s’est terminée en voiture. Puis, pendant quatre ans, le geste s'est déroulé dans divers endroits, tel qu’une maison de retraite ou une église et en 1996, à l'extérieur, au parc Angrignon. Après quelques années, chez un certain nombre de personnes est né le désir de déplacer cette discrète procession vers le centre historique de Montréal, pour offrir un simple signe à la ville. Au début, le parcours faisait le tour du Vieux-Port, mais bientôt le point de départ est devenu la chapelle historique de Notre-Dame-de-Bonsecours et la route traditionnelle a été bientôt tracée, vers la basilique Notre-Dame, la basilique Saint-Patrick, récemment au Gesù, jusqu’à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde. Le groupe de 50 personnes dans le Vieux-Port est finalement passé à un millier de participants lors de notre dernier événement en plein air en 2019.

L'année dernière, nous avons été surpris par la COVID-19 et le confinement et, cependant, tant de gens voulaient que l'événement se poursuive que nous avons décidé de recréer le Chemin de Croix avec d’anciens enregistrements vidéo de notre chorale.

Cette année encore, nous souhaitons proposer un Chemin de Croix en ligne, diffusé cette fois en direct. Il n'y aura pas de chœur, car cela n’est pas autorisé dans les zones rouges. Toutefois, des solistes pourront chanter, créant ainsi une version plus dépouillée de l’événement traditionnel, dans lequel les lectures habituelles seront incorporées. Par ailleurs, Mgr Christian Lépine, qui nous a guidés dans l'événement ces dernières années, nous honorera à nouveau de sa présence. Notre espoir et notre attente sont que cette version plus simple du Chemin de Croix soit encore plus essentielle et puisse offrir à tout le diocèse une occasion de méditer sur le Mystère de la Passion du Christ.

Le père Giussani aimait à rappeler que dans l’existence de chaque personne, c’est la miséricorde qui a le dernier mot. Et ainsi, ce Chemin de Croix se terminera en réaffirmant que le dernier mot sur notre existence n’est pas la mort, mais plutôt la Résurrection. Une consolation bienvenue durant ces temps difficiles.