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Au cœur de la tourmente politique

Texte

Toutes choses étant bien en place, commence cependant une période politique difficile. On peut dire que les dernières années de l’épiscopat de Mgr Lartigue comptent parmi les plus pénibles de sa vie. Elles coïncident avec la crise qui secoue le Bas-Canada : les Troubles de 1837 - 1838 et leurs conséquences. Un affrontement se préparait entre les Patriotes et le gouvernement britannique en place. Le 25 juillet 1837, dans sa cathédrale, l’évêque de Montréal tient à mettre en garde les fidèles de son diocèse contre toute action révolutionnaire. Pendant deux jours, plus de douze cents Patriotes défilent devant la cathédrale Saint-Jacques pour contester les directives de l’évêque. Sans se laisser intimider, Mgr Lartigue adresse à ses diocésains, le 24 octobre suivant, un premier mandement pour les prémunir contre les discours et menaces des rebelles, il rappelle à tous leur devoir envers la puissance légitimement établie, il évoque les horreurs d’une guerre civile, le caractère sanguinaire de toute révolution populaire.

Les Patriotes ne se gênèrent pas pour qualifier ce mandement « d’anti-bon sens », « d’anti catholique » même, accusant l’évêque d’avoir cherché à se gagner la faveur des autorités, d’avoir ignoré les malheurs des siens, d’être insensible à leurs misères temporelles et spirituelles…

Le 8 janvier 1838, Mgr Lartigue y va d’un second mandement, dans lequel il demande notamment à ses diocésains : « Que devez-vous penser aujourd’hui (après les combats et les destructions de l’automne) de votre clergé qui a fait tous ses efforts pour vous prémunir contre des doctrines perverses, qui a même encouru la haine de plusieurs, parce qu’il ne vous parlait pas dans le sens d’une faction dont malheureusement quelques-uns d’entre vous étaient alors engoués… »

On peut comprendre que l’attitude de Mgr Lartigue se fondait sur deux considérations : la légitimité du pouvoir politique qui est d’origine divine, comme la théologie le prônait alors, et l’inégalité des forces en présence; c’est-à-dire le sous- équipement militaire des patriotes rebelles, d’une part, et les ressources abondantes de l’armée anglaise, d’autre part. Bilan pour les Patriotes : une victoire, plusieurs défaites, de nombreux morts, des jeunes et des pères de familles, des représailles brutales (villages incendiés, stratégies de la terre brûlée, incarcération des vaincus…).

Lartigue s’était efforcé de demeurer calme au cœur de la tourmente. Les événements allaient lui donner raison. La révolution se solde par un considérable échec. En mettant en garde ses compatriotes contre une lutte parricide et inégale, Lartigue avait fait preuve d’un flair et d’une sagesse politiques que plusieurs reconnurent, en particulier les Patriotes modérés de la région de Québec.