• Archidiocèse

Évêque auxiliaire et vicaire général

Texte

Évêque auxiliaire et vicaire général, Suffragant de l’Évêque de Québec, pour le district de Montréal (1821-1836)

C’est au cours de ce séjour de dix mois en Europe (14 août 1819-14 juin 1820) que Jean-Jacques Lartigue apprend sa nomination comme évêque auxiliaire et vicaire général, suffragant de l’évêque de Québec, pour le district de Montréal. On comprendra qu’il s’agit d’une nomination pour le même et vaste diocèse de Québec, et que l’on utilise le terme civil « district de Montréal » parce qu’il ne s’agit pas encore d’un « diocèse » nouveau.

Jean-Jacques Lartigue hésite beaucoup à accepter cette promotion et les lourdes responsabilités qu’elle comporte. Il prévoit l’opposition de ses confrères, les sulpiciens français de Montréal qui, depuis plus d’un siècle, gouvernent le territoire.

Avant d’accepter l’épiscopat, Jean-Jacques Lartigue consulte son supérieur général de Paris et son supérieur local de Montréal. Celui-ci lui répond par une lettre peu rassurante : il consent au projet, à condition que le candidat choisi ne réside pas au Séminaire, qu’il couvre les frais de sa charge en acceptant une cure en dehors de l’Île de Montréal, par exemple au sud du fleuve Saint-Laurent, qu’il se fasse discret, serviable, loin de Montréal… L’intervention de l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis et un ordre formel du pape Grégoire XVI, viennent à bout des réticences de Jean-Jacques Lartigue, qui finit par dire son accord. Temporairement, il logera au Séminaire !

Le 21 janvier 1921, Mgr Plessis lui confère l’ordination épiscopale dans la vieille église Notre-Dame. Pour l’instant, l’évêque auxiliaire de Québec n’a ni résidence personnelle ni cathédrale. Il ira bientôt résider à l’Hôtel-Dieu, rue Saint-Paul, où les Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph l’accueillent avec générosité et lui offrent chambre et bureau modestes. On a pu dire que l’Hôtel-Dieu fut le premier évêché de Montréal.

Les relations de Jean-Jacques Lartigue avec plusieurs de ses confrères ne s’améliorent pas pour autant. Plusieurs prêtres diocésains aussi, amis des Sulpiciens, contestent à leur tour sa juridiction, l’un d’eux affirmant même publiquement qu’un évêque est inutile à Montréal. Enfin, les marguilliers de Notre-Dame signifient à Mgr Lartigue qu’il n’est pas le bienvenu dans leur église.

Quel type d’homme est donc cet évêque qui suscite tant d’oppositions ? On peut penser qu’une certaine froideur du personnage expliquerait ces réticences à son endroit. Mgr Lartigue était un homme d’un caractère entier, énergique et résolu, une personnalité dynamique qui ne manquait pas de chaleur et d’attentions. Des témoins de cette époque peuvent corroborer la présence chez le prélat des traits qui lui sont ici reconnus. D’ailleurs, Mgr Lartigue avoue lui-même qu’il préfère en toutes choses « y aller franchement », même avec ses adversaires.

Revenons aux débuts de l’épiscopat de Mgr Lartigue à Montréal, sans relever toutes les résistances connues, telles celles du pouvoir politique anglo-protestant. Voici que des appuis financiers et moraux, de la part de plusieurs Montréalais, s’emploient à permettre au nouvel évêque d’affirmer peu à peu son autorité. C’est ainsi qu’un comité s’est formé par les habitants du faubourg Saint-Laurent pour construire une maison et une église à leur évêque. Le 23 mai 1823, Mgr Lartigue procède à la bénédiction de la première pierre de son église. Des fidèles et un clergé nombreux assistent à la cérémonie. Les sulpiciens s’abstiennent. Deux ans plus tard, le 22 septembre 1825, Mgr Plessis vient de Québec présider à la bénédiction de l’église et d’une maison attenante pour l’évêque, toutes deux situées rue Saint-Denis entre la rue Sainte-Catherine et l’actuel boulevard de Maisonneuve, où se trouve aujourd’hui l’édifice principal de l’UQAM. C’est la première cathédrale Saint-Jacques (qu’un incendie détruira en 1852). Encore une fois, en présence d’une cinquantaine de prêtres diocésains, sur une centaine, mais aucun sulpicien.

Après la mort de Mgr Plessis, en décembre 1825, son successeur, Mgr Bernard Panet, réitère son appui à Mgr Lartigue. Confirmé dans sa fonction, Lartigue se remet à la tâche. Il établit une école de théologie pour les candidats au sacerdoce, dont il confie la direction à son secrétaire et bras droit l’abbé Ignace Bourget. Il porte un vif intérêt à la cause de l’éducation, dans la conviction qu’il s’agit là d’une responsabilité exclusive à l’Église. Il ouvre lui-même à Saint-Jacques une école pour garçons, puis une autre pour les filles. Il s’intéresse vivement au collège de Saint-Hyacinthe dont il est le supérieur. Il s’inquiète des tendances laïcisantes de la Chambre de l’Assemblée qui, au nom de principes prétendus libéraux a déposé deux projets de loi, l’un sur les écoles élémentaires, l’autre sur les fabriques paroissiales; il voit dans tout cela « l’esprit actuel de la vieille France »… Entre l’Église et les dirigeants politiques, une épreuve de force s’était engagée.

Heureusement, d’autre part, entre Mgr Lartigue et les sulpiciens un rapprochement s’est amorcé en 1835. Un événement heureux vient sceller cette réconciliation. La célébration du jubilé sacerdotal du sulpicien Roque et le renouvellement des vœux de prêtrise du vénérable vieillard entre les mains de son ancien élève, le 24 septembre 1835, achèvent de rapprocher les deux partis. Le supérieur du Séminaire eut des mots chaleureux : « Tout le monde sans exception a été ravi d’admiration et de joie… l’on dit même que l’évêque de Telmesse (titre que portait Mgr Lartigue en tant qu’évêque auxiliaire) et le supérieur du Séminaire ne font qu’un. »

La situation était soudain devenue favorable à l’érection à Montréal d’un évêché distinct de celui de Québec. En novembre 1835, Lartigue adresse à Rome la requête du clergé de Montréal, à laquelle les prêtres du Séminaire avaient souscrit, en faveur d’un évêché à Montréal.