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Archevêque de Montréal

Texte

Le 18 mai 1940, Mgr Joseph Charbonneau est désigné comme archevêque coadjuteur de Montréal avec future succession, pour seconder Mgr Georges Gauthier, seul, de santé fragile, et qui mourra le 31 août suivant. Ce même jour, à l’âge de 48 ans, Mgr Charbonneau devient archevêque titulaire de Montréal.

Même peu connu ici, l’homme impressionna beaucoup. Grand de taille, de port noble, front large et cheveux grisonnants, il est la distinction même. Sa voix délicate mais assurée force l’écoute et ses vues souvent novatrices étonnent et suscitent la réflexion.

Le premier geste de Mgr Charbonneau fut l’ouverture, dès octobre 1940, de l’École de service social à l’Université de Montréal, école longtemps désirée par son prédécesseur. On peut y voir un indice des préoccupations sociales du nouvel archevêque.

Le 29 juin 1941, il publie sa Lettre sur l’Action Catholique (64 pages), document majeur de son épiscopat dans lequel il fait le tour des expériences vécues, des structures, des projets, des orientations à prendre pour un mouvement apostolique qui s’est développé à l’intérieur de l’Église du Québec depuis le milieu des années 30 et qui est appelé à y croître largement. L’archevêque dit la confiance qu’il met dans les jeunes générations, la place que doivent prendre les laïcs chrétiens dans tous les secteurs de l’activité humaine.

Le 15 août 1941, il confère l’ordination épiscopale à deux vicaires généraux, dont il fait ses auxiliaires : Mgr Joseph-Conrad Chaumont et Mgr Lawrence Patrick Whelan. Celui-ci devient le premier évêque anglophone à faire partie de la curie diocésaine de Montréal. Audace que certains catholiques francophones jugent discutable, volonté chez Mgr Charbonneau de reconnaître la place et le rôle de la communauté anglophone au sein de l’Église de Montréal. Mgr Charbonneau ne craint pas d’innover.

À l’automne 1941, l’archevêque met sur pied, avec l’aide de M. Georges Perras, p.s.s., l’École normale secondaire pour former des professeurs destinés à l’enseignement classique. Souci éducatif et recherche de compétence pour les maîtres de ce niveau.

Dans un ordre semblable, Mgr Charbonneau participe au premier Congrès de l’enseignement secondaire (classique) à l’été 1942. Dans une allocution adressée aux participants, directeurs et professeurs de tous les collèges classiques du Québec, il a l’audace d’exprimer son regret de voir l’entrée aux universités restreinte aux seuls détenteurs du baccalauréat ès arts : il y aurait tant d’autres jeunes à faire accéder au niveau universitaire. Il y avait là, à ses yeux, une perte énorme de talents au Québec. C’était bien avant le rapport Parent.

Le 2 février 1943, autre initiative concernant la relève sacerdotale, l’archevêque fonde l’Oeuvre des vocations, dont il confie la responsabilité à M. Arthur Delorme, p.s.s. L’Oeuvre s’avère une nécessité plus que jamais impérative aujourd’hui.

Conscient du rôle et de l’importance de la famille dans l’Église et dans la société, et pour souligner le cinquième anniversaire des cent mariages jocistes, il nomme en 1944 le père Albert Sanschagrin o.m.i., aumônier du Service de préparation au mariage, issu de la J.O.C., qui répond à un besoin réel et obtient un remarquable succès : en trois ans, 3 000 couples y reçurent une formation au mariage chrétien. La formule créée ici, s’implante en plusieurs pays.

Dans cette foulée, apparaît en 1945, le Service d’éducation familiale, organisme diocésain de coordination, dans lequel les Pères franciscains s’impliquèrent intensément pour l’étude des différents problèmes de la famille et le soutien à celle-ci.

À la suite de ses prédécesseurs au siège de Montréal et à titre de chancelier de l’Université de Montréal, Mgr Charbonneau suit de près le développement de cette dernière. En 1947, il lança dans son diocèse une campagne de souscription fixée à 11 millions de dollars. C’est la première souscription d’importance pour l’université nouvellement établie depuis 1942 sur les flancs du Mont-Royal.

Il faudrait souligner encore sa préoccupation pour les enfants pauvres qui meurent prématurément, ses inquiétudes face au problème du logement dans son diocèse, son souci de répondre, par la fondation de paroisses (25 durant son épiscopat), aux besoins spirituels d’une population croissante, l’accueil qu’il fait à de nouvelles communautés religieuses, sa prédilection fondamentale pour les petits et les pauvres.

Rien n’illustre mieux cette attention que son attitude lors de la célèbre grève de l’amiante qui sévit, en 1949, aux mines d’Asbestos et de Thetford Mines. Les gestes qu’il accomplit alors sont ceux qui ont le plus marqué l’opinion populaire pendant son épiscopat. Pour donner une voix à la déclaration Sauvons les travailleurs de l’amiante du 1er mai 1949, il prend publiquement et fermement position en faveur des grévistes de l’amiante, ce jour même en l’église Notre-Dame de Montréal. Martelant ses mots, il dit notamment :

« La classe ouvrière est victime d’une conspiration qui veut son écrasement, et quand il y a conspiration pour écraser la classe ouvrière, c’est le devoir de l’Église d’intervenir. Notre cœur est près de cette classe ouvrière et nous ordonnons (cette) collecte pour empêcher que des petits enfants souffrent de la faim. »

Cette intervention de l’archevêque de Montréal eut des échos profonds et nombreux. Des collectes eurent lieu à travers la province et son attitude ne fut pas étrangère au règlement du conflit.