Pape François

Chaque mois, pour 10 rendez-vous, une vidéo avec les réflexions du Pape et des témoignages de familles du monde entier, réalisée en collaboration entre Vatican News et le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, aide à relire l'exhortation apostolique, avec une documentation téléchargeable pour l'approfondissement personnel et communautaire. Parce qu’être une famille, rappelle François, est toujours "principalement une opportunité".

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31. Le bien de la famille est déterminant pour l’avenir du monde et de l’Église. Les analyses qui ont été faites  sur le mariage et la famille, sur leurs difficultés et sur leurs défis actuels sont innombrables. Il convient de prêter attention à la réalité concrète, parce que « les exigences, les appels de l’Esprit se font entendre aussi à travers les événements de l’histoire », à travers lesquels « l’Église peut être amenée à une compréhension plus profonde de l’inépuisable mystère du mariage et de la famille ».

Je ne prétends pas présenter ici tout ce qui pourrait être dit sur les divers thèmes liés à la famille dans le contexte actuel. Mais, étant donné que les Pères synodaux ont présenté un panorama de la réalité des familles dans le monde entier, je juge opportun de reprendre quelques-uns de ces apports pastoraux, en ajoutant d’autres préoccupations qui proviennent de mon regard personnel.

32. « Fidèles à l’enseignement du Christ, nous regardons la réalité de la famille aujourd’hui dans toute sa complexité, avec ses lumières et ses ombres [...]. Le changement anthropologique et culturel influence aujourd’hui tous les aspects de la vie et requiert une approche analytique et diversifiée ». Dans le contexte d’il y a plusieurs décennies, les évêques d’Espagne reconnaissaient déjà une réalité de la famille pourvue de plus de marge de liberté, « avec une répartition équitable de charges, de responsabilité et de taches […]. En valorisant davantage la communication personnelle entre les époux, on contribue à humaniser toute la cohabitation familiale […]. Ni la société dans laquelle nous vivons, ni celle vers laquelle nous cheminons ne permettent la pérennisation sans discernement de formes et de modèles du passé ». Mais « nous sommes conscients de l’orientation principale des changements anthropologiques et culturels, en raison desquels les individus sont moins soutenus que par le passé par les structures sociales dans leur vie affective et familiale ».

33. D’autre part, « il faut également considérer le danger croissant que représente un individualisme exaspéré qui dénature les liens familiaux et qui finit par considérer chaque membre de la famille comme une île, en faisant prévaloir, dans certains cas, l’idée d’un sujet qui se construit selon ses propres désirs élevés au rang d’absolu ». « Les tensions induites par une culture individualiste exacerbée, culture de la possession et de la jouissance, engendrent au sein des familles des dynamiques de souffrance et d’agressivité ». Je voudrais ajouter le rythme de vie actuel, le stress, l’organisation sociale et l’organisation du travail, parce qu’ils sont des facteurs culturels qui font peser des risques sur la possibilité de choix permanents. En même temps, nous nous trouvons face à des phénomènes ambigus.

Par exemple, on apprécie une personnalisation qui parie sur l’authenticité, au lieu de reproduire des comportements habituels. C’est une valeur qui peut promouvoir les différentes facultés et la spontanéité ; mais, mal orientée, elle peut créer des attitudes de suspicion permanente, de fuite des engagements, d’enfermement dans le confort, d’arrogance. La liberté de choisir permet de projeter sa vie et de cultiver le meilleur de soi-même, mais si elle n’a pas de nobles objectifs ni de discipline personnelle, elle dégénère en une incapacité à se donner généreusement. De fait, dans beaucoup de pays où le nombre de mariages diminue, le nombre de personnes qui décident de vivre seules ou qui ont une vie commune sans cohabiter, augmente. Nous pouvons aussi souligner l’admirable sens de la justice ; mais, mal compris, il transforme les citoyens en clients qui exigent seulement que des services soient assurés.

34. Si ces risques en viennent à affecter la conception de la famille, celle-ci peut se transformer en un lieu de passage, auquel on a recours quand cela semble convenir, ou bien où l’on va réclamer des droits, alors que les liens sont livrés à la précarité changeante des désirs et des circonstances. Au fond, il est facile aujourd’hui de confondre la liberté authentique avec l’idée selon laquelle chacun juge comme bon lui semble ; comme si, au-delà des individus il n’y avait pas de vérité, de valeurs ni de principes qui nous orientent, comme si tout était égal, et que n’importe quoi devait être permis.

Dans ce contexte, l’idéal du mariage, avec son engagement d’exclusivité et de stabilité, finit par être laminé par des convenances circonstancielles ou par des caprices de la sensibilité. On craint la solitude, on désire un milieu de protection et de fidélité, mais en même temps grandit la crainte d’être piégé dans une relation qui peut retarder la réalisation des aspirations personnelles.

35. En tant que chrétiens nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode, ou par complexe d’infériorité devant l’effondrement moral et humain. Nous priverions le monde des valeurs que nous pouvons et devons apporter. Certes, rester dans une dénonciation rhétorique des maux actuels, comme si nous pouvions ainsi changer quelque chose, n’a pas de sens. Mais il ne sert à rien non plus d’imposer des normes par la force de l’autorité. Nous devons faire un effort plus responsable et généreux, qui consiste à présenter les raisons et les motivations d’opter pour le mariage et la famille, de manière à ce que les personnes soient mieux disposées à répondre à la grâce que Dieu leur offre.
 

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