Général

Accompagnés par des bénévoles, l'abbé Paradis et son adjoint Kevin sortent dans la rue plusieurs fois par semaine. Ils vont rencontrer les gens là où ils sont. Leur préoccupation première : apporter une présence spirituelle, aider à trouver un sens à ce que les gens vivent.

« Je dis souvent, pis c'est vrai, les gars qui sont dehors, sont embarrés dehors. Ils ne peuvent pas rentrer à l'intérieur. Sont embarrés dehors, il n'y a aucune place où ils ont droit d'accès. C'est le contraire de ce qu'on peut penser », indique l'abbé Claude Paradis, fondateur et responsable depuis un peu plus de deux ans de Notre-Dame-de-la-rue (NDLR), expérience unique dans la métropole. 

D'abord, il y a la grande liberté que possède le nouvel organisme diocésain. « Ça ne coûte pas cher, mon bureau c'est la rue », déclare l'abbé. Puis il y l'accueil qui est différent des autres ressources en itinérance. Sans remettre en question l'essentielle nécessité de leur travail, l'abbé fait remarquer que ce n'est pas toujours évident de s'y sentir à l'aise. 

« Des fois, des centres vont dire : "Nous on fait un accueil inconditionnel". Sauf que tu dois arriver à telle heure, c'est obligatoire; tu dois prendre ta douche, c'est obligatoire; tu dois te raser, c'est obligatoire; tu dois te coucher à telle heure, c'est obligatoire; donc, c'est pas vraiment inconditionnel : c'est plein de conditions », considère-t-il. 

D'ailleurs selon lui, plusieurs personnes itinérantes refusent d'entrer dans les refuges mêmes à -30 oC, « Dehors, ils se sentent libres. » C'est dans la rue que l'abbé, son acolyte Kevin, et une petite équipe de bénévoles, prend le temps d'aller vers les gens. Au programme, distribution d'un peu de nourriture, du café, de l'eau, mais surtout, une présence auprès de gens qui n'ont souvent plus aucune estime de soi. 

« C'est quoi ta faim véritable? C'est quoi ton sens à la vie? », explique l'abbé. Il aime mettre en parallèle cette soif spirituelle avec l'Évangile dit du « Jugement dernier », dans les dernières pages de l'Évangile de Matthieu : « J'étais nu et vous m'avez vêtu... J'avais faim, et vous m'avez nourri. » 

« C'est quoi, j'étais nu, et vous m'avez habillé? C'est quoi ta dignité de vie humaine? Les gens ont faim d'être quelqu'un pour une autre personne. Les gens ont faim d'être aimé par une autre personne », explique-t-il. « C'est ça maintenant en 2015 : ce n'est plus seulement le sens littéral qui doit être apporté. J'étais nu, c'est toute la dignité de la personne humaine. Ça vaut beaucoup plus que de donner un T-shirt dans la rue », estime-t-il. 

« Ma paroisse, c'est la rue »

La soif spirituelle n'est-elle possible à nourrir que dans le confort d'une maison de retraite ou d'une église bien rangée? Si ces endroits sont sans aucun doute des lieux parfaits pour cela, ils ne sont pas accessibles aux personnes que l'abbé Paradis et Kevin accompagnent. « Qu'est-ce qui rend le pape François le plus triste au niveau du clergé dans son exhortation apostolique La joie de l'Évangile, c'est l'insuffisance de la spiritualité auprès des pauvres », souligne-t-il. Un message que le pape argentin adresse plus particulièrement au clergé. « C'est une grande problématique », estime l'abbé Paradis, qui espère donc remédier à ce manque avec Notre-Dame de la rue. 

« Tout le monde a besoin de spiritualité. C'est pour ça qu'on les accueille comme ça pis qu'on les prend tels qu'ils sont. On essaie de faire un bout de chemin avec eux, à la même vitesse qu'eux. S'ils ne veulent pas aller dans un centre, on va cheminer avec eux d'une autre façon. » L'abbé Paradis rappelle que la plupart des personnes qu'il côtoie ont été « trimballées » de famille d'accueil en famille d'accueil. Dans la rue, retourner dans un centre, c'est aussi retrouver les travailleurs sociaux, la bureaucratie, le système comme on dit. Les personnes sont devenues méfiantes à force d'avoir été déçues. 

Enfin, un autre aspect qui touche l'abbé est qu'il reçoit parfois les confessions de ceux qu'il soutient. 

« Des fois, ils ne savent pas que c'est une confession, mais y m'en font une. » Le prêtre a déjà confessé dans des parcs, mais également une piquerie et un bordel. « C'est des endroits bizarres », avoue le principal intéressé, qui pourtant, ne changerait de place pour rien au monde.  

« Des fois les prêtres me disent : comment tu fais pour faire ça. Pis moi j'leur dis, comment tu fais pour être en paroisse? Moi j'suis pas capable d'être en paroisse. Je ne serais pas capable. » Sa paroisse, c'est la rue. « J'dis souvent : je suis un ancien toxicomane et pis j'étais dans la rue. C'est la rue qui m'a amené à l'Église, dès que j'ai été ordonné, l'Église m'a renvoyé dans la rue. J'dis souvent, la rue est mon Église. »

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