Montréal

L’ACAT, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, fêtera prochainement ses 35 ans d’existence au Canada. Nancy Labonté, coordonnatrice, nous dépeint le portrait de cet organisme qui œuvre pour le respect de la dignité humaine dans toutes ses dimensions.

La torture, un crime contre l’humanité

Concrètement, l’ACAT sensibilise au phénomène de la torture et invite à agir. Elle œuvre par des plaidoyers auprès des instances gouvernementales, du soutien aux victimes, de l’éducation aux droits humains en milieu scolaire, communautaire et pastoral, etc.

Lorsqu’on parle de torture, on imagine des situations dans des prisons insalubres et inhumaines au Ghana ou au Burundi, comme le décrit Nancy Labonté. Mais, si cela en fait partie, le spectre est plus large : «Ce qui la distingue c’est la présence d’un agent du gouvernement qui connait la situation et ne fait rien», explique-t-elle. Il faut ainsi la complicité de l’État. 

«Dans une situation de violence privée, par exemple la violence conjugale, il faudrait que l’ État autorise ou n’intervienne pas » pour avoir une situation de torture. «Notre prochain bulletin mensuel parlera de la violence conjugale, car il y a eu 9 féminicides en 9 semaines au Québec... On va faire le lien entre la violence privée et la responsabilité publique» de mettre en place des actions, d’autant plus avec les «circonstances de la crise sanitaire où il n’y a pas vraiment d’aide qui est mise en place au public» par rapport à cette problématique.

L’ACAT fonctionne avec le droit international, «rappelant aux autorités leurs engagements internationaux». Dans tous les cas, la torture est un interdit absolu, «même si une personne n’a pas signé la convention contre la torture. C’est un crime contre l’humanité». 
Les lieux «privatifs de liberté» sont également surveillés : les prisons, mais aussi les hôpitaux psychiatriques, les CHSLD. «On s’est d’ailleurs intéressé à ces cas avec les éclosions de Covid», lance Nancy Labonté.  

J’étais un étranger et vous m’avez accueilli (Mt 25,35)

L’ACAT travaille aussi sur la règle de non-refoulement, c’est-à-dire l’interdiction pour un État de refuser aux frontières un individu demandeur d’asile venant d’un pays où il a été torturé. Le Canada devrait appliquer cette mesure, mais il ne respecte pas toujours ses engagements internationaux : «Dans les faits, le Canada est un grand délinquant en droits humains, même si ça paraît pas. Mais c’est des petites choses, des personnes vulnérables dans une situation où elles ne peuvent pas s’enfuir », explique la coordonnatrice.

Non pas que la situation soit pire qu’ailleurs, mais la mission de l’ACAT est de rendre tous ces exemples publics, d’interpeler les autorités : «L’idée c’est, en tant que société civile, d’offrir un contrepouvoir au gouvernement. De dire, on le sait, on est au courant, il n’y a rien de cacher pis on n’est pas d’accord, c’est contre l’entendement». 

Elle donne l’exemple de femmes qui ont été expulsées de la prison Tanguy pour être mises à la prison Leclerc à Laval, qui est «un bâtiment désuet, infesté de vermines». «Desfois, je suis gênée un peu de dire qu’on accuse le Canada de pas respecter ses engagements internationaux [...] mais si personne n’en parle, ça va continuer. Il faut absolument que la société civile soit au courant et s’y oppose d’une manière ou d’une autre. Les ONG pour les droits humains servent à ça, servent de haut-parleurs». 

Une dimension profondément spirituelle  

L’ACAT veille donc à la dignité de tous. Son volet spirituel est une dimension importante, explique Nancy Labonté. L’organisme propose d’ailleurs, quatre fois par année, une petite célébration de la parole se concentrant sur la justice sociale. L’ACAT a une identité chrétienne œcuménique qui fait route avec le droit international et la défense des valeurs profondément humaine et qu’on retrouve aussi dans la foi chrétienne : «On a été vraiment étonné de voir [...] que la majorité des personnes sont là parce que c’est chrétien». Cette dimension spirituelle s’adresse à tous, encore plus largement.

Un rapport concernant le Canada à l’ONU

En collaboration avec la FIACAT- Fédération internationale d’ACAT dans le monde - qui a un statut consultatif à l’ONU,  l’ACAT Canada a déposé dernièrement un rapport alternatif sur les manquements du Canada auprès du comité des Droits de l’Homme (à l’ONU): «C’est une collection un peu résumée des manquements du Canada par rapport à l’interdiction de la torture, du non-refoulement, etc. pour inspirer les experts du Comité à poser les bonnes questions au Canada». Ces rapports alternatifs représentent à l’ONU la voix de la société civile, comme l’explique Nancy Labonté. 

Une action concrète?

Une belle manière de s’engager auprès des différents organismes oeuvrant pour les droits de l’Homme? «S’abonner et lire les infolettres pour être informés de ce qu’il se passe réellement», lance Nancy Labonté. 

Pour visiter leur page web et s’inscrire à l’infolettre: https://acatcanada.ca/