Montréal

(Présence-info) Le 8 septembre 2015, le Dominicain Benoît Lacroix s'avançait dans cette petite église d'un style résolument moderne. Entré par une porte latérale qui relie la maison où il habite et l'église conventuelle Saint-Albert-le-Grand, à Montréal, il prononçait, quelques instants plus tard, l'homélie lors de la messe de la communauté. Ce jour-là, on fêtait son 100e anniversaire.

Hier soir, exactement un an plus tard, neuf artistes - des comédiennes, des chansonniers, une cantatrice et un pianiste - ont fait leur entrée par cette même porte et réjoint le choeur de l'église. Devant quelque 200 personnes, malgré une chaleur accablante, ils ont tenu à saluer le 101e anniversaire du dominicain, bien qu'il soit décédé six mois plus tôt, le 2 mars 2016.

Un spectacle? Un hommage? Une prière? L'événement À Benoît, au-delà des mots évoquait une soirée entre amis où l'on ose des confidences, rappelle de petits et grands moments vécus ensemble et relit à voix haute des lettres reçues il y a longtemps et retrouvées ces derniers jours.

«L'année dernière, nous fêtions, heureux et éblouis, ses 100 ans», a dit la comédienne Françoise Faucher. «Voilà qu'aujourd'hui, attendu ailleurs, Benoît nous a devancés et a entrepris seul le chemin. Nous tenions à lui souhaiter un joyeux anniversaire.» Elle a raconté que le dominicain y allait toujours d'un «prenez votre temps» quand «nous l'embrassions en le serrant dans nos bras. Ce soir, c'est bien ce que nous ferons. Nous prendrons tout notre temps pour lui dire notre affection, notre admiration, notre reconnaissance», a-t-elle lancé au début de la soirée.

Les comédiennes Danièle Panneton et Manon Arsenault ont lu des extraits de contes rédigés par le dominicain (Le p'tit train, 1964, et Marie de Saint-Michel, 1986), un auteur «étonnant de vitalité, d'humour, d'érudition et d'humanité». L'acteur et chanteur Gary Boudreault, dont les «enfants ont été baptisés ici même par Benoît», a interprété la chanson Laisser sa trace, composée au lendemain d'une rencontre avec le père Lacroix.

Quant au comédien et auteur Jean-François Casabonne, il a d'abord rappelé que «c'était un rituel entre nous de souligner sa fête». Pas question pour lui, en ce 8 septembre, d'être ailleurs que dans cette église. «Cela le fait revivre. C'est comme si l'immense relation que nous avons eue se poursuivait.» Son Portrait impressionniste de Benoît a visiblement réjoui le public. «J'entends déjà Benoît rire de moi», a-t-il lancé, en déposant son texte. «Ah! encore ce fou avec ses mots hirsutes, échevelés.»

La soprano Caroline Bleau a ému la foule lorsqu'elle a interprété des pièces qu'aimait le père Benoit Lacroix, dont l'Ave Maria de Gounod et En prière de Gabriel Fauré.

C'est la comédienne Sophie Faucher qui a eu l'idée, au mois de mai, de cet événement, «une soirée toute spéciale, à représentation unique, pour évoquer en douceur et en poésie cet homme d'exception». Les fonds recueillis hier ont été remis à la Fondation du Collège universitaire dominicain pour la création de la chaire Benoît-Lacroix, centrée sur les liens entre religion et culture. L'instigatrice n'en revenait pas de «voir le grand résultat d'une petite idée qu'on lance».

«On s'ennuie de Benoît, c'est certain. On y pense constamment. Il est irremplaçable», dit Sophie Faucher. «Pour cette soirée, on a plongé dans toute son oeuvre et on a voulu offrir un florilège de ses intérêts. On a surtout voulu montrer l'ampleur de l'amour que l'on porte à Benoît.» Le dominicain aurait apprécié. «Prenez votre temps», aurait-il certainement lancé.