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Le 24 juin 2015, en la fête de Saint-Jean-Baptiste, plus de 2000 personnes sont venues célébrer en l'église Saint-Jean-Baptiste à Montréal, le 400e anniversaire de la première messe sur l'île de Montréal et la commémoration de l'arrivée des Franciscains Récollets en Amérique.

C'est effectivement le 24 juin 1615, sur les abords de la rivière des Prairies, la Skawanoti, en huron (« rivières en arrière de l'île »), que sont arrivés les premiers Récollets accompagnés de Samuel de Champlain, de quelques colons français et Hurons.

Dans le chœur de l'église St-Jean-Baptiste trônait un écran géant sur lequel était projeté le film d'un homme en canot, pagayant doucement sur une rivière brumeuse avec le doux chant du huard.

L'assemblée était muette. On vit le canot accoster, puis les acteurs soudainement monter sur la scène : Samuel de Champlain, les Hurons, les Récollets et quelques colons, portant à bout de bras un canot majestueux en boulot.

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Les pères Récollets Denys Jamet et Joseph Le Caron se mirent à raconter à Champlain les traits communs des spiritualités chrétiennes et autochtones : «Comme nous chrétiens, ils croient que la Terre a été créée par Dieu, qu'ils appellent « Manitou ». Il y a beaucoup de ressemblances dans nos croyances.»  

Puis, vient le désir de célébrer la sainte messe. Ils le feront à dos de canot ! Le père Jamet demande au chef huron de « purifier l'espace et de chasser les mauvais esprits » avec leur « boucane de tabac sucré ». Le chef s'exécute, noble, serein, en « emboucanant » tout un chacun et en faisant doucement le tour du canot. « Il n'y a rien de mal à ça ! », s'exclame le Récollet.  

Cette brève présentation scénique de l'arrivée sur l'île de Montréal était touchante. L'assemblée était visiblement émue et fébrile. On se serait cru sur les abords de la Skawanoti, avec nos ancêtres, il y a 400 ans!  

Une fois l'autel et les fidèles bien « emboucanés », Mgr Christian Lépine et toute la procession d'entrée se sont mis à avancer doucement vers le chœur, avec plus de vingt frères franciscains, ainsi que le curé de la paroisse, Alain Mongeau, et plusieurs communautés du Plateau Mont-Royal, sous les airs de la Bande FM et de la chorale de Kahnawake.  

Mgr Lépine encensait à son tour le canot, sur lequel ont avait pris soin d'ajouter une planche de bois, recouverte d'une nappe blanche. Sous la planche se trouvaient les reliques de Sainte Kateri Tekakwitha, première Amérindienne canonisée, et de la Bienheureuse Mère Marie-Catherine de Saint Augustin, cofondatrice de l'Église du Canada.  

L'effet était saisissant. On reconnaissait là tout le talent de l'homme de théâtre qu'est l'abbé Robert Gendreau, responsable de la pastorale liturgique à l'Archevêché.  

Mgr Lépine a livré une homélie exceptionnelle : un cours d'histoire en 20 minutes. « On dit qu'on connaît bien notre histoire, mais personne ne savait qu'il y avait eu une messe le 24 juin 1615 - la première ! La deuxième messe fut célébrée à Québec, le 25 juin, par deux autres Récollets... on a donc une petite avance, à Montréal ! », a-t-il laissé tomber avec humour.  

« On connaît mal Samuel de Champlain. Saviez-vous que c'est lui qui a fait venir les Récollets ici afin qu'ils assurent une présence spirituelle ? Pour ce grand explorateur, la vie spirituelle et l'exploration allaient ensemble. Tout était lié. C'était inséparable. On peut lire dans les « Relations des Jésuites » que Champlain, le soir, se faisait lire la vie des saints et qu'ensuite, il priait. On ne peut pas faire l'histoire du Canada, du Québec ou de Montréal, sans faire l'histoire de sa spiritualité. C'est impossible et ce serait à demi vrai, à demi historique. »  

Il a terminé avec une pointe d'humour : « Je ne voudrais pas faire de politique, mais il me semble que le pont Champlain devrait s'appeler le pont Samuel de Champlain! »  

L'Assemblée a applaudi à tout rompre... pour se rendre compte, amusée, que nous étions toujours en célébration eucharistique!  

Après la messe, Mgr Lépine s'est dirigé vers le parvis de l'église et y est demeuré pendant près d'une heure pour serrer des mains et se laisser prendre en moult selfies, sur les airs rock du groupe « Terre promise », bien installé sur le parvis.     

C'est là que le maire de Montréal, Denis Coderre, est venu rejoindre Mgr Lépine: « Je ne pouvais pas être à la messe, mais je tenais à venir saluer notre Archevêque pour lui témoigner ma solidarité. C'est la fête et cette messe est un événement rassembleur. On fête notre identité, on célèbre dans la spiritualité aussi», a-t-il déclaré.  

Plusieurs personnalités du monde politique étaient présentes, notamment Luc Ferrandez, maire de l'arrondissement Plateau Mont-Royal : « 400 ans de Saint Jean, ça se fête ! Le ciel était bleu Québec ce matin en cette plus belle journée de l'année dans la plus belle église de Montréal ! J'adore le curé Mongeau. Pour moi, il n'est pas juste un curé, c'est un membre très actif de notre communauté. Il m'a dit: «Je veux que tu viennes! C'est un ordre!» Alors moi, j'écoute les ordres de mon curé! », a-t-il dit en riant.   

Stéphane Dion, député de Saint-Laurent, était également présent: « La première messe s'est déroulée sur la Rivière-des-Prairies et moi je suis député de Cartierville-Ahuntsic ! Donc, je sens une responsabilité historique d'être ici. C'est un grand honneur et un grand plaisir. »    

Ce sont les comédiens du Centre étudiant Benoît-Lacroix qui personnifiaient les Amérindiens ainsi que les quelques colons. Mario Bard, journaliste-animateur bien connu du monde catholique québécois, a incarné divinement Samuel de Champlain, même si avant la représentation, il avouait se sentir un peu « bizarre » : « C'est un homme qu'on ne connaît pas vraiment. C'est un homme multiple. Il était beaucoup plus proche des autochtones qu'on pourrait le penser. Il était très respectueux de la culture autochtone. Ça m'a impressionné. »  

C'est Violaine Paradis, sœur CND, actrice et comédienne, qui est allée recruter Mario Bard. Trente minutes avant le début de la représentation, dans la sacristie, sœur Violaine finissait de recoudre la bure brune d'un Récollet. Elle était belle à voir, et n'avait surtout pas le temps de faire des discours.  

« Violaine est mon bâton, mon inspiration, s'est exclamé l'abbé Robert Gendreau, metteur en scène de la représentation historique. Sans elle, je ne sais pas comment j'aurais fait! Les décors, les costumes, l'esprit! C'est elle! »  

Le curé Mongeau voyait quelque chose de prophétique dans cette fête : « Comprendre une mémoire comme celle d'aujourd'hui, c'est comprendre la mémoire de son propre cœur, de nos origines, du sens de notre vie sur la terre, du sens sur notre travail dans cette société que nous construisons. Ça replace le cœur, le réoriente, ça redonne des énergies nouvelles.  

« Saint-Jean-Baptiste, il prêchait dans le désert. J'aime beaucoup cette image. Il n'y avait pas grand monde à l'endroit où il prêchait... mais il a eu toute une postérité, une certaine fécondité. C'est le patron de la mission. De notre mission ici sur la rue Rachel. Et c'est celle du Québec. C'est lui qui a reçu l'héritage de l'Ancien Testament et qui l'a transformé en quelque chose de nouveau. Il a accueilli la nouveauté et il a su la reconnaître. C'est comme un passeur. Peut-être que c'est ça notre mission aujourd'hui!? »

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