La vie et le travail reprennent leur cours. Le cardinal Grégoire est docile, mais il est ferme aussi. Au début de 1990, il renouvelle sa demande à Rome. « Je ne me vois pas archevêque de Montréal à 80 ans. » La réponse, cette fois, se fera plus diligente. Le 17 mars 1990, le pape Jean-Paul II l’autorise à prendre sa retraite.
L’homme, le pasteur, le cardinal-archevêque
1968-1990. Un épiscopat de vingt-deux ans rempli « bord à bord ». À quelles ressources puisait donc ce pasteur pour avoir traversé une période si bouleversante de l’histoire, dont on a dit qu’elle a connu la plus grande crise culturelle du monde occidental, à tout le moins ? Éclatement des groupes et des structures, brassages d’idées nouvelles, crises d’identité, rejet du passé, vide devant l’avenir, et chez nous particulièrement, ignorance religieuse, sécheresse spirituelle, matérialisme envahissant. À côté des merveilles incontestables de la science et de la technologie, une âme atrophiée. Quelqu’un d’ici observait : « Nous avons fait tous les voyages, mais le voyage intérieur n’a pas bougé. »
Le cardinal Grégoire, opposait à tous ces obstacles des qualités humaines et chrétiennes qui font les vivants authentiques : foi inébranlable capable de transporter des montagnes, confiance en Dieu et en l’homme à cause de Dieu, effacement devant le Seigneur et simplicité, volonté d’espérer et sérénité, amour de l’Église, sens de la communion, capacité de partager sa tâche, bienveillance, gratitude.
Il vaut de s’arrêter sur ce dernier mot, parce qu’il rend le son d’une âme et qu’il a inspiré les dernières paroles que le Cardinal a prononcées publiquement à la cathédrale, son épiscopat achevé, lors de la messe chrismale du 11 avril 1990.
Il résumait tous les mercis qu’il n’a cessé d’adresser à ceux et celles qui ont eu le bonheur d’œuvrer avec lui. Dans une image bien inspirée, il dit : « Quand un chef d’orchestre a fini de diriger une symphonie, il salue l’auditoire puis fait lever tous les musiciens qui, dans l’unité et l’harmonie, ont collaboré à l’exécution de l’œuvre. Souvent toute la salle se lève alors et applaudit. J’aurais le goût de faire lever tous les collaborateurs et collaboratrices qui m’ont accompagné dans l’accomplissement de ma tâche, pour que vos applaudissements leur transmettent les mercis que je leur dois. »
Le cardinal Paul Grégoire vécut une brève retraite de trois ans, visitée par la maladie. Il mourut à l’Hôpital Notre-Dame de Montréal, le 30 octobre 1994 à l’âge de 82 ans. Ses funérailles à la basilique cathédrale eurent lieu dans la simplicité et la grandeur à la fois, à l’image de l’homme et du prêtre volontairement discret, de l’archevêque éminent qu’il fut par la longueur de son épiscopat et la grande diversité de ses initiatives pastorales.