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Alors que les discussions se poursuivent dans le projet de loi visant à affirmer la laïcité de l’État et à préciser les exigences qui en découlent, nous ne pouvons que craindre un recul des libertés individuelles.  Le projet de loi prévoit en effet modifier la Charte des droits et libertés de la personne en les conditionnant tout comme les droits fondamentaux, au strict respect de la laïcité de l’État.

S’il est compréhensible que l’État puisse affirmer sa neutralité au regard de ses prérogatives, celle-ci est faite pour signifier une ouverture et une bienveillance devant le fait religieux et la diversité de croyances.

Comment ne pas voir dans l’interdiction du port des signes religieux une entrave à la liberté de conscience et de religion, voire même une atteinte à la dignité humaine de personnes tenues de se cacher ou de taire leur identité au nom d’une présumée neutralité ? Un État qui se dit neutre de manière si subjective ne peut réellement se réclamer du respect de la dignité de ses citoyens car la société n’est pas homogène.

Ainsi, comme le soulignait très justement l’Assemblée des évêques catholiques du Québec dans sa déclaration du 6 mars 2019, quel est le bien-fondé d’étendre cette interdiction du port de signes religieux aux enseignantes et aux enseignants sinon de les priver d’un droit fondamental? Si les enseignantes et enseignants ne peuvent pas porter à leur discrétion des signes religieux, le message qui est donné aux enfants et aux jeunes est que la religion n’a pas sa place dans l’espace public, réduisant ainsi les croyants et les croyantes dans leurs droits les plus fondamentaux.  

Le port de signes ou de vêtements comme manifestation d’appartenance à une communauté religieuse est un droit fondamental dans l’exercice de « la liberté de pensée, de conscience et de religion », comme le stipule l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les États signataires en 1948. Nous attendons du gouvernement québécois qu’il respecte cet engagement et garantisse ce droit fondamental et inaltérable.

Relativiser les libertés individuelles des citoyens au nom de la séparation des religions et de l’État comme de sa neutralité religieuse constitue une dangereuse dérive vers une laïcité fermée qui tend vers l’effacement progressif des manifestations individuelles et collectives publiques d’appartenance à une communauté religieuse.

En tant qu’État de droit, ne pourrait-on pas plutôt envisager une conception de la laïcité à travers laquelle l’État préserverait, protègerait et promouvrait ces libertés dans l’espace public ? Permettre leurs expressions serait autant de chances d’établir un dialogue dans le respect mutuel et de découvrir les valeurs et les croyances de toutes les communautés qui constituent et enrichissent notre société pluraliste et égalitaire, ces principes mêmes que beaucoup d’autres sociétés nous envient.


+Christian Lépine
archevêque de Montréal