Choisir d’espérer et de vivre (2e partie)
Montréal
Me Racicot nous présente sa réflexion devant le projet de loi C-7 et l’élargissement de l’accès à la mort.
Avant d’aborder le projet de loi C-7 il est important de bien nous situer.
L’aide médicale à mourir a commencé à être permise au Québec à compter du 10 décembre 2015 et dans le Canada tout entier le 17 juin 2016. Rappelons qu’avant ces lois, il était permis de refuser, d’interrompre ou d’arrêter un traitement même si cela pouvait accélérer la mort. Il en était de même pour la sédation, c’est-à-dire le soulagement de la douleur allant même jusqu’à l’inconscience, en autant que cette sédation soit faite sans intention de causer la mort même si elle pouvait accélérer le décès.
Cela était permis non seulement en vertu des lois civiles mais également en vertu des prises de position de l’Église catholique par la voie des déclarations du pape Pie XII en 1951, ’56 et ’57 et celles des papes Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et celles plus récentes du pape François qui ont toutes reconnu le caractère éthique de ces décisions mais condamné l’euthanasie et l’aide au suicide sous toutes leurs formes. Cette prise de position est d’ailleurs résumée aux nos. 2276 à 2279 du Catéchisme de l’Église catholique.
LE PROJET DE LOI 52 AU QUÉBEC.
Avec l’entrée en vigueur du projet de loi 52 intitulé Loi concernant les soins de fin de vie le 10 décembre 2015, il est devenu permis à un médecin de pratiquer l’euthanasie, appelée « aide médicale à mourir », à une personne majeure, apte à consentir aux soins, atteinte d’une maladie grave et incurable, souffrant d’un déclin avancé et irréversible de ses capacités et éprouvant des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions que cette personne juge tolérables.
Toutefois, il fallait que la personne soit considérée comme étant « en fin de vie ». De fait, toute la portée de cette loi du Québec portait justement sur les soins de fin de vie et lors de son adoption tant madame Yvon que docteur Barrette ont répété à outrance que seules les personnes en fin de vie seraient éligibles à l’aide médicale à mourir. Quant aux personnes souffrant de maladies dégénératives, elles aussi étaient éligibles mais uniquement quand elles seraient rendues à cette étape ultime de la vie.
LA DÉCISION CARTER
Le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada, dans une décision connue sous le nom de Carter, invalidait les dispositions du Code criminel qui interdisaient l’euthanasie et l’aide au suicide même à la demande d’une personne souffrante aux motifs qu’ils portaient atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que leur garantit l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
LE PROJET DE LOI C-14
Suite à cette décision, le Parlement fédéral amenda le Code criminel par le Projet de loi C-14, entré en vigueur le 17 juin 2016 pour permettre non seulement l’euthanasie comme au Québec mais également l’aide au suicide, en autant que ces actes soient pratiqués par un médecin ou un infirmier à toute personne majeure affectée de problème de santé graves et irrémédiables.
Contrairement à la Loi québécoise, le Code criminel, tel qu’amendé par C-14, permet l’aide médicale à mourir non seulement en cas de maladie mais aussi pour des personnes atteintes d’une affection ou d’un handicap graves et incurables.
Contrairement au Québec qui spécifie dans sa loi que l’aide médicale à mourir n’est permise que pour les gens en fin de vie, les modifications apportées au Code criminel permettent l’aide médicale à mourir sous forme d’euthanasie ou de suicide assisté à des personnes dont « la mort naturelle est raisonnablement prévisible ». Or, ce critère qui a été interprété plutôt strictement au début de l’entrée en vigueur de ces dispositions en juin 2016 a été interprété de façon de plus en plus large au fil du temps notamment sous l’impulsion des médecins qui pratiquaient l’aide médicale à mourir.
LA DÉCISION TRUCHON
Dans une décision rendue le 11 septembre 2019, connue sous le nom de Truchon, la Cour supérieure du Québec invalidait le critère de « fin de vie » de la loi québécoise et celui de « mort naturelle raisonnablement prévisible » du Code criminel comme étant discriminatoires à l'égard de personnes tout aussi souffrantes mais n'étant pas en fin de vie.
Le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral n'eurent pas le courage de porter cette décision en appel. Il faut dire que le choix du tribunal de rendre cette décision en pleine campagne électorale fédérale n'a pas aidé.
Le Québec a choisi de ne pas modifier la Loi 52 et de simplement ne plus tenir compte du critère de « fin de vie » pour être éligible à l'euthanasie.
Par contre, le gouvernement fédéral a choisi de modifier le Code criminel pour tenir compte de l’invalidation du critère de « mort naturelle raisonnablement prévisible ».
LE PROJET DE LOI C-7
Et nous voilà rendus au Projet de loi fédéral C-7 portant modification au Code criminel qui fait présentement l’objet de délibérations au Parlement fédéral. C-7 permet l'euthanasie et le suicide assisté aux personnes qui ne sont pas en fin de vie comme la Cour l'avait demandé dans Truchon mais il va beaucoup plus loin.
C-7 propose ainsi d'éliminer plusieurs mesures de sauvegarde adoptées dans la version actuelle du Code criminel. Ainsi C-7 propose des mesures de sauvegarde différentes selon qu'on soit en fin de vie ou non.
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