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La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) tirait sa révérence la semaine dernière (31 mai au 3 juin). Au cœur des évènements qui se sont déroulés lors des quatre jours de cérémonie entourant la clôture de cette page de l'histoire du Canada se trouvent 94 recommandations.

L'une retient davantage l'attention par sa nature spectaculaire : la demande explicite des trois commissaires au pape François, afin qu'il présente des excuses officielles aux survivants des pensionnats autochtones, au nom de la religion catholique romaine.

« Nous demandons au pape de présenter, au nom de l'Église catholique romaine, des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu'aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l'Église catholique », peut-on lire à la proposition numéro 58.  

« C'est une demande très spécifique, adressée à une personne très spécifique », indique Brian McDonough, responsable de la pastorale sociale pour l'archevêché de Montréal. « Et ce qui est quand même intéressant à noter, c'est que la CVR fait référence à une déclaration qui avait été faite par le pape précédent (Benoit XVI) au sujet des pensionnats en Irlande », explique-t-il.  

Au lieu d'en être offusqué ou abattu, le responsable y voit un défi à relever pour l'Église. Et ce n'est pas le seul qui soit demandé aux Églises chrétiennes, historiquement impliquées dans les pensionnats autochtones où sont passés 150 000 jeunes autochtones de 1870 à 1996. « Ce qui touche aux Églises, c'est le désir qu'elles prennent position, qu'elles aillent plus loin que ce qu'elles ont déjà fait à présent », indique-t-il.  

Au numéro 48 du document de propositions, intitulé Appel à l'action, on demande aux groupes confessionnels canadiens de « s'engager à faire respecter le droit à l'autodétermination des peuples autochtones dans le cadre spirituel, y compris le droit d'élaborer, de mettre en pratique et d'enseigner leur propre tradition, coutume et pratique spirituelle. Et cela conformément à l'Article 12 de la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones », explique Brian McDonough.  

« Il y a aussi au numéro 49 un élément que je trouve d'une très grande importance », souligne-t-il. « On demande aux confessions religieuses de répudier les concepts utilisés jadis pour justifier la souveraineté européenne des terres sur les peuples autochtones. Cela touche par exemple la doctrine de la découverte qui avait été utilisée par la papauté au 15 et 16e siècle pour, en quelque sorte, autoriser les monarchies catholiques européennes à se répartir les Amériques et l'Afrique. »  

En 1493, le pape Alexandre VI divise les terres dont les Espagnols et les Portugais veulent prendre possession en promulguant la bulle Inter caetera. Contenu dans celle-ci, l'obligation d'évangélisation des populations indigènes.  

« On souhaiterait justement que les Églises dénoncent l'impact de cette doctrine », explique McDonough. « Évidemment, elle doit se situer dans le contexte particulier de ces siècles. Néanmoins, les séquelles de ces doctrines ont été épouvantables pour les peuples autochtones et non seulement dans les Amériques, mais ailleurs sur la planète », estime-t-il.  

Violence spirituelle : enjeu essentiel  

« Il y a là une interpellation des Églises qui est très forte! », explique encore Brian McDonough, « Et, disons que les commissaires ne nous ménagent pas! Ils sont très, très directs. » estime-t-il.  

L'Église catholique peut également jouer un rôle dans « pour atténuer des conflits et prévenir la violence spirituelle ». En ce sens, les communautés religieuses, certains évêques et même certaines instances religieuses canadiennes ont signé une déclaration qui « réaffirme l'importance de respecter la spiritualité autochtone ».  

Et l'impact au plan spirituel ne se résume pas à des questions de prières ou de cérémonies religieuses.  

« Dans le document, on parle beaucoup de l'impact de ce qu'on appelle la violence spirituelle, le fait que des gens aient été retirés de leurs familles et de leurs communautés, mais aussi de leurs lieux d'appartenance et de traditions spirituelles », explique Brian McDonough.  

« Non seulement sur les pensionnaires eux-mêmes, mais aussi sur leurs descendants. Ça, je trouve ça très, très fort, par la réaffirmation de l'importance de la dimension spirituelle et comment des institutions, toujours avec les meilleures intentions du monde, peuvent faire violence au niveau de l'identité spirituelle. Et l'on a un travail énorme à faire [comme Église] », considère-t-il.  

Un travail qui est tout de même déjà commencé pour l'Église catholique. L'initiative Retour à l'Esprit, déjà présente dans l'Ouest canadien, est maintenant en préparation pour le Québec.  

« Et maintenant, au-delà des paroles et des demandes de pardon, c'est l'action qui est exigée. Il est important que les Églises utilisent leur autorité morale pour interpeller le gouvernement afin que, au-delà des paroles, les propositions qui sont énoncées dans le rapport se réalisent », indique-t-il.  

Pour continuer la réflexion :  

Notre dossier sur le sujet
Document Appel à l'action, rapport final de la CVR
Les évêques canadiens et les peuples autochtones
L'ONU touche à cette question