Montréal

Il a 80 ans et refuse toujours de parader sans uniforme. Rencontre avec Roger Poitras, dernier Zouave pontifical à Montréal.

Il a 80 ans et refuse toujours de parader sans uniforme. C'est un fait : les quelques zouaves pontificaux qui restent ne portent plus la culotte d'autrefois. Roger Poitras est le seul qui n'ait pas laissé tomber son large pantalon bouffant si caractéristique. Pour lui, c'est une question d'honneur.

Jeune, lorsqu'il voyait entrer les zouaves pendant la messe, il était tout admiratif. À la suite de son grand frère, il s'y engage en 1952. De simplet soldat, il devient capitaine et officier en charge. « Aujourd'hui, je ne suis en charge que de moi-même! » dit-il, amusé.

Les zouaves pontificaux ont été créés le 1er janvier 1861 sur le modèle des zouaves de l'armée française. Constitués de volontaires de France, de Belgique, du Canada (surtout du Québec), de l'Allemagne, de la Suisse, de l'Italie et des États-Unis, ce mouvement, formé en régiment dès 1864, avait pour mission de défendre les États pontificaux et son chef, le pape Pie IX, menacés par le général Garibaldi pour l'unification de l'Italie.

Juste avant la défaite de Pie IX, le 20 septembre 1870, 10 000 zouaves pontificaux avaient été engagés, mais cela n'empêcha pas la disparition des États. Les zouaves furent exilés un peu partout et considérés comme des traitres.

« D'ailleurs, il ne fallait jamais porter l'uniforme quand on allait en Italie! C'aurait été dangereux... En ce temps-là, c'était la première fois qu'une troupe de zouaves québécois allaient à l'extérieur du pays! Mgr Bourget, évêque de Montréal, avait été l'instigateur de tout ça! Il s'en trouve beaucoup pour le critiquer, mais moi je dirais que les zouaves pontificaux canadiens-français ont été le premier contingent de casques bleus! On a participé à certains combats, mais on s'est surtout occupé des malades et des blessés », raconte Roger Poitras, avec passion.

Pendant 60 ans, il a œuvré au sein de l'Église à Montréal de mille et une façons: veillée au Saint Sacrement, garde des défunts, œuvres de charité, service à domicile, cérémonie protocolaire, etc.

À l'intérieur de la cathédrale Marie-Reine-du-monde de Montréal, à gauche, en entrant, on peut voir, inscrit en lettres dorées sur les tablettes de marbre, les 507 noms des zouaves du Canada. À côté, une toile du peintre Lionel Royer, datant de 1885, illustrant le Colonel Athanase de Charrette, commandant des zouaves pontificaux.

À une certaine époque, le Québec comptait jusqu'à 45 compagnies de zouaves pontificaux. Ils étaient si présents dans le paysage québécois que certains d'entre eux fondèrent, en 1871, un petit village en Estrie qui se nomme toujours Piopolis, c'est-à-dire « ville de Pie ».